24/03/2021
👵 Retour sur des activités à l'EHPAD Le Village 👴
Article du Journal L'Alsace du 10 Mars 2021
➡️ https://www.lalsace.fr/sante/2021/03/09/video-pour-reduire-l-anxiete-de-la-meditation-en-ehpad-a-richwiller-et-bantzenheim
Les résidents des Ehpad de Richwiller et Bantzenheim reçoivent chaque semaine un moine zen pour une séance de méditation assise. Une « démarche de prise en soin du vécu psychoaffectif » qui fait aussi l’objet d’un projet de recherche scientifique impliquant les psychologues des établissements.
Les séances de méditation ont lieu entre le repas du midi et la collation de l’après-midi. Cinq résidentes de l’ Ehpad Le Village à Richwiller sont installées en cercle dans des sièges confortables, sauf Danielle, qui est en fauteuil roulant. Devant la fausse cheminée en brique rouge, Heido Meriadec, moine zen de l’école Sôtô , est assis au sol sur un coussin, les doigts joints. Les participantes ont pour consigne de « décroiser les jambes et de poser les pieds bien au sol ». L’instructeur reste immobile dans la position du demi-lotus. Heido est son nom de moine, « cela signifie voix tranquille ».
▶️ « Le but n’est pas d’en faire des méditants »
C’est parti pour vingt minutes de méditation « ou d’assise » au son de la flûte japonaise, à peine troublé par l’appareil à oxygène de Danielle. « On a essayé le silence complet mais c’était anxiogène », note Amélie Weiss, psychologue de l’établissement. La plupart des personnes présentes ferment les yeux, par choix. Pas la peine pour Andrée, 96 ans, dont la vue a baissé. « Il n’y a pas d’obligation, pas d’injonction, précise l’instructeur. Chacun intègre la pratique progressivement, à son rythme. Le but n’est pas d’en faire des méditants, il s’agit de leur offrir un espace d’accueil, de repos et surtout de dignité. On n’a pas besoin de beaucoup parler. Chaque séance est unique. »
Après la méditation qui s’achève avec le gong, Heido Meriadec fait une lecture, ce jour-là elle porte sur la notion de liberté. « La poésie et la nature sont toujours très présentes. » Les participants échangent ensuite sur des thèmes dont on ne parle pas toujours. « On n’apprend pas à vieillir », dit-il, en partageant sa sagesse de vie.
▶️ « Les gens vieillissent plus vite en maison de retraite »
Maryvonne, 75 ans, reconnaît que l’exercice l’apaise. Danielle, 72 ans, ajoute : « Cela me fait du bien, je peux faire du vide en moi, faire partir les pensées négatives. » Jeannine, 71 ans, se dit soulagée. Jacqueline, 87 ans, « se sent légère dans la tête ». Elle le constate tous les jours : « Les gens vieillissent plus vite en maison de retraite. »
Anxiété liée à la dépendance, dépression après l’entrée en Ehpad, stress lié au Covid : les raisons d’aller mal peuvent être nombreuses lorsqu’on atteint le grand âge et que l’on a dû quitter son chez-soi. Amélie Weiss, psychologue à la fois au Village de Richwiller et aux Molènes de Bantzenheim, pilote un nouveau projet sur la méditation de pleine conscience pour seniors en Ehpad.
Un essai a déjà été effectué en 2019 avec des résidents, puis avec les membres du personnel. Cela s’est passé en partenariat avec l’université de Strasbourg et des articles ont été publiés. « Déjà à ce moment-là , nous avions relevé un impact significatif sur le vécu dépressif et le vécu anxieux des seniors. Nous poursuivons donc l’investigation autour de l’impact d’une pratique méditative sur le vécu psychoaffectif (anxiété, dépression et stress suite à la crise sanitaire) de seniors institutionnalisés. On a pris des personnes plus fragiles, qui peuvent avoir des souffrances psychologiques d’ordre anxieux, mais qui n’ont pas de problème de mémoire. »
▶️ « Une démarche assez rigoureuse »
Les premiers ateliers ont commencé mi-février pour huit séances réparties sur trois mois, avec cinq résidents à chaque fois pour respecter les règles sanitaires. Par la suite, quatre séances seront ouvertes à d’autres résidents.
« C’est une démarche assez rigoureuse », note la psychologue. Alexia North, étudiante en master 2 de psychologie à la faculté de Strasbourg, réalise l’étude scientifique. « Des questionnaires et des entretiens ont été réalisés en amont des séances, afin d’observer et d’évaluer avec le résident la demande et l’envie de participer au groupe. Cela nous permettra d’observer, à la fin des ateliers, l’évolution des réponses en passant de nouveaux questionnaires et entretiens cliniques. »
▶️ Des soutiens pour financer
Grâce au soutien de l’ ARS (Agence régionale de santé) Grand-Est et de la conférence des Financeurs de la prévention de la perte d’autonomie du Haut-Rhin , les deux Ehpad ont pu s’équiper pour aménager des salles propices à la méditation : lampes à couleur changeante, enceinte pour que l’on entende bien la musique, diffuseur d’odeur. « On utilise de l’extrait de rose simple, pas de l’huile essentielle pour ne pas faire de biais dans la recherche, c’est-à -dire pour que l’on soit sûr que c’est la méditation qui a un impact. »
L’Ehpad Le Village de Richwiller, qui a 85 pensionnaires, collabore depuis plus de deux ans avec Heido Meriadec, instructeur de méditation ayant une formation de moine séculier.
En parallèle à la méditation (lire par ailleurs), des cours de dessin centré viennent de commencer à la bibliothèque de l’ Ehpad de Richwiller. Ils sont destinés à des personnes qui présentent des troubles neurodégénératifs, ou démence. Il y aura huit séances sur deux mois. Cette activité d’art-thérapie est également réalisée dans un cadre scientifique. Mathilde Hoerter, psychologue stagiaire, de l’université de Strasbourg, réalise son mémoire de master 2 en Psychologie du développement sur ce sujet.
Isabelle Lambolez-Wagner est la praticienne de cette activité d’art-thérapie, qu’elle n’aime pas appeler « mandala ». On utilise un support de forme géométrique ronde, avec à l’intérieur des formes, des dessins et des figures. Les résidents dessinent avec des crayons de couleur ou des pastels secs, peignent à l’aquarelle ou collent des objets (minéraux, végétaux…) dans le cercle ; on trace au compas, on découpe de vieilles revues.
« Le but n’est pas de créer une œuvre d’art mais de permettre à la personne d’être apaisée de ses turbulences. Ces résidents sont souvent agités dans leurs pensées. Il y a beaucoup d’angoisses. »
▶️ « Exprimer ses envies et ses goûts »
Pour la psychologue de l’Ehpad Amélie Weiss, « ce type d’atelier permet de stimuler les fonctions cognitives (langage, praxie [adaptation des mouvements], gnosie [perception], concentration, mémoire…), mais aussi de favoriser l’autonomie de choix du résident, en lui permettant d’exprimer ses envies et ses goûts. Le dessin centré permet de prendre du temps pour soi, d’accueillir les émotions et les ressentis dans l’instant ». Cette « prise en soin non-médicamenteuse » a pour objectif « d’évaluer et de modifier le vécu anxieux et dépressif et d’accompagner la perception de la qualité de vie des personnes en démence ».
Isabelle Lambolez-Wagner a été formatrice pendant vingt ans au Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active (Céméa) de Strasbourg, section Santé mentale.